17° Dimanche du TO*B Jn 6, 1-15
Jésus prend du pain.
Jésus dit la prière d'action de grâce.
Jésus donne.
Frères et sœurs, vous l'avez évidemment reconnu, voilà décrits les gestes de la messe !
Ainsi, la Tradition de l'Église nous invite-t-elle à accueillir la multiplication des pains comme une extraordinaire annonce du Partage Eucharistique.
Quel bonheur ! Quelle bonne nouvelle !
Cependant, ne passons pas trop vite sur l'humanité très concrète d'un tel événement.
Au moment même où nous célébrons l'Eucharistie, dans bon nombre de pays des personnes se battent, bien ou mal, pour survivre, pour manger ne serait-ce qu'un simple repas par jour.
Ici, une boule de mil avec un peu de sauce, là, une platée de riz avec, les jours de fête, un reste de poisson fumé.
Frères et sœurs, il nous faudrait alors être sourd pour ne pas entendre cet épilogue du récit de la multiplication des pains dans l'évangile selon saint Jean attestant que tous «eurent mangé à leur faim». Tous !
Il ne peut être question pour Jésus, et pour ceux qui marchent à sa suite, de se résigner à la moindre exclusion. Tous !
Considérer que le partage est destiné à tous n'est pas une naïveté imputable aux chrétiens volontiers affublés du titre de doux rêveurs quand ils osent donner leur avis en matière économique ou politique.
Ainsi, les derniers papes depuis saint Paul VI jusqu'au pape François sans oublier saint Jean-Paul II et Benoît XVI, tous osent appeler non seulement à une globalisation de l'économie mais à une «globalisation de la solidarité».
Chrétiens, nous redisons à la suite de notre Seigneur et Maître Jésus Christ, qu'il y a là, dans cette lutte contre toute forme d'exclusion, il y a là une exigence incontournable pour que notre humanité devienne humaine. Pas d'exclu ! Aucun exclu !
Et, s'il en était besoin, les douze paniers, pleins de morceaux de pain et de poisson, manifestent que les absents, eux aussi, sont invités à prendre leur place... d'où qu'ils viennent.
Les douze paniers, les douze tribus. Tout le peuple.
Tous, vraiment tous.
Poursuivons notre contemplation de cette scène évangélique.
Entendons de nouveau cette invitation faite aux disciples : «Ramassez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde».
Revenons un instant à ces fameux cinq pains et deux poissons qui, comme par hasard (!) sont dans les mains d'un petit, d'un «jeune garçon»...
Le Seigneur aurait-il voulu avoir besoin de tous, y compris des petits, pour accomplir des merveilles ?
Nous pouvons le croire !
Dans l'Evangile de ce jour, le Christ manifeste une fois encore que Dieu ne vient pas prendre la place de l'homme, en matière de solidarité comme dans tous les autres domaines, et qu'il ne faut pas attendre des miracles qui viennent se substituer à nos responsabilités humaines.
Frères et sœurs, il ne s'agit donc pas de demander à Dieu de donner du pain à ceux qui n'en ont pas.
Il convient bien davantage de le prier de nous convertir pour que nous entendions vraiment l'invitation à donner nous–mêmes à manger et à ramasser les morceaux qui restent.
Prolongeons encore un instant : ce que les disciples partagent, les pains, les poissons, ils l'ont reçu des mains d'un autre.
Les disciples sont ici comme vous et moi.
Ce que nous avons, les biens que nous estimons posséder, n'ont pas été constitués par nous. Nous les avons reçus.
Il nous revient de les distribuer, de les partager en vue du bien de tous.
S'il est vrai que tout ce que nous avons, et plus encore que tout ce que sommes est pure grâce, nos gestes de partage seraient donc tout simplement une manière de «rendre grâce».
La solidarité ne serait-elle pas alors un des plus sûrs chemins pour nous conduire à l'Eucharistie et la vivre en vérité ?
Nous pouvons le croire !
Frères et sœurs, qu'aucun d'entre nous ne se réfugie derrière une humilité paresseuse :
«Oh moi, je n'ai vraiment pas grand-chose, ni en biens, ni en compétences pour faire évoluer les situations !
Que voulez-vous que je fasse devant toutes ces faims contemporaines ?»
Allons, allons ! Nous aussi nous avons bien, au moins, cinq pains et deux poissons... comme ce jeune garçon.
Aussi, Jésus nous invite-t-il à les partager, à donner autant que nous pouvons ! Il fera le reste...
Aujourd'hui comme hier, le Seigneur fait des merveilles, le Seigneur rend grâce, le Seigneur fait eucharistie... mais pas sans nous !
Amen.
Fr. Benoît-Marie