Décès de fr. Marie-François (Claude) Bousquet

Lundi 20 septembre 2021, notre frère Marie-François Bousquet est parti vers la maison du Père. Il était âgé de 91 ans.

Homélie des obsèques (25.09.2021) :

Lectures : Jc 5,7-11 ; Ps 125 ; Mc 4,26-34

Frères et sœurs, si j'ai choisi ces lectures, c'est parce qu'il me semble qu'elles nous disent bien qui était frère Marie-François, dans sa relation à Dieu, aux frères et à la nature qu'il aimait tant. Saint Jacques, dans son épître, invite à prendre exemple sur le cultivateur, qui « attend le fruit précieux de la terre », sans s'impatienter. Il continue plus loin sur ce thème de la patience, en ajoutant qu'il devrait en être de même dans les rapports fraternels : Ayez le cœur ferme, car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, pour éviter d'être jugés. Voyez, le juge se tient aux portes. Pour la souffrance et la patience, le modèle à prendre, frères, ce sont les prophètes, qui ont parlé au nom du Seigneur. Ensuite, saint Jacques écrit sur l'endurance de Job qui a souffert sans se révolter contre Dieu et les hommes. En tant que cultivateur, jardinier de la maison, frère Marie-François pouvait être très patient avec la terre, qui donne du fruit en son temps. Après le temps de la semence, il faut attendre un peu avant que ça pousse. Mais en ce qui concerne les frères, il avait un certain penchant pour la critique et le jugement. Les jeunes frères étaient « trop devant l'ordinateur », pendant que lui travaillait dur, beaucoup d'autres « ne faisaient rien de leurs journées », alors que lui s'échinait à donner le meilleur de lui-même. Endurant, pour le coup, il ne comprenait pas que les autres ne le soient pas autant que lui. C'est comme s'il voulait tirer sur la plante, pour qu'elle grandisse plus vite…

Mais frère Marie-François avait un don qui compensait de beaucoup ce défaut de caractère qu'est l'impatience. Il était très joyeux, et s'émerveillait des belles choses qu'il voyait dans la nature. Quand il partait marcher en montagne avec les frères, c'était un excellent guide, qui invitait à s'extasier et à contempler la création de Dieu à travers la beauté des fleurs, des paysages. Et en ce qui concerne les arbres, où les oiseaux du ciel peuvent s'abriter et faire leur nid, c'est bien grâce à lui que nous en avons autant en clôture. Il en a planté énormément ! Cela montre qu'il avait de la patience et de la prévoyance pour l'avenir de la communauté. Car un arbre pousse moins vite qu'une plante potagère. Plusieurs décennies après, nous voyons les fruits de cette patience et de cette endurance dans le travail.

Comme Jésus qui parlait à ses disciples en paraboles, frère Marie-François aimait les images. Il a écrit beaucoup de textes spirituels à partir des symboles, tout comme notre frère Henry, aveyronnais lui aussi, qui l'a précédé de près dans l'autre monde. À chaque fois qu'il prenait une dizaine d'années, notre frère écrivait un texte dont il donnait une copie au père abbé. Dans un de ces poèmes, il dit ceci, à propos de la semence :

Je porte au fond  de moi un besoin d'infini… 
Semblable à la semence d'où doit sortir la vie ; 
Je me sens attiré vers ce Haut Firmament,
Où le vrai Jour commence limpide et transparent.

Je le vois, désormais il me faudra mourir
Pour m'échapper des ombres où tout s'en va finir…
Mais déjà dans mon cœur j'entends un doux murmure :
C'est l'appel du Seigneur, et cette voix est sûre.

Oui, notre vie terrestre est comme une semence qui porte en elle la Vie éternelle. Cette graine de ton corps, frère Marie-François, va bientôt être posée en terre pour s'ouvrir, et elle va porter du fruit au centuple. C'est cela la mort : un nouveau monde qui s'ouvre, qui jaillit au grand Jour de Dieu, en pleine lumière. Comme une graine de moutarde, toute petite, qui devient la plus grande des plantes potagères. Elle porte du fruit, et en plus, elle abrite les oiseaux du ciel ! Pour toi, mon frère, c'est le temps de la moisson ; le blé est mûr, et il doit être fauché, afin de donner naissance à un pain nouveau. 

Malheureusement, je n'ai pas le temps ici de vous lire la très belle méditation sur la vie que frère Marie-François a écrite pour le jour de ses 80 ans, mais il y est question de solitude à la naissance et à la mort. Celui qui arrive au bout de sa vie semble déjà parti en quelque sorte, détaché de la réalité, car son espérance est ailleurs, en Dieu. C'est ce qui s'est passé pour toi, mon frère, depuis quelques mois, où tu étais un peu « ailleurs ». A tel point qu'on t'a retrouvé après vigiles dans un fossé près du chemin qui va au parking, ou entre deux niveaux d'escaliers, criant à tue-tête au milieu de la nuit. Je te laisse la parole, pour terminer cette homélie. Cette fois, c'est le jour de tes 50 ans que tu as écrit ceci, méditant déjà sur la solitude face à la mort :

Pour bien connaître un homme, il faudra voir sa fin
C'est seulement alors, qu'il montre son courage ;
Il est seul devant Dieu, quand sa lampe s'éteint :
Au moment de mourir, s'éclaire son visage.

Tel apparaît Jésus, quand il est sur la croix :
Il vide ce calice – s'en remet à son Père ;
C'est quand il va mourir, que le Centurion croit
qu'Il était le Fils de Dieu : Il a vu sa lumière…

Merci frère Marie-François, et que la lumière du Christ brille pour toi ! Repose en Paix, avec lui. Amen.

F. Columba