Décès de fr. Henry Barrière

Jeudi 9 septembre 2021 notre frère Henry Barrière est parti vers la maison du Père. Il était âgé de 83 ans.
 

Homélie des obsèques de fr. Henry

Lectures : Nb 21, 4b-9 ; Jn 3, 13-17

Un serpent de bronze dressé sur un mât. Tous ceux qui seront mordus dans le désert le regarderont, et ils resteront en vie. Cette image annonce le corps de Jésus en Croix, dressé pour que l'humanité soit sauvée du péché.

Le Christ, comme dit saint Paul aux Corinthiens (2 Co 5,21), lui qui n'avait pas connu le péché, (Dieu) l'a, pour nous, identifié au péché, afin que, par lui, nous devenions justice de Dieu. Le péché, comme le serpent, a été suspendu à la croix. Peut-être savez-vous que la symbolique du serpent sur un bâton existe aussi dans la mythologie grecque, avec le « caducée d'Asclépios » ? Elle figure d'ailleurs sur les devantures de pharmacie,  associée à la coupe d'Hygie, déesse de la Santé. La légende rapporte qu'un jour, Asclépios, voyant un serpent se diriger vers lui, tendit son bâton dans sa direction. L'animal s'y enroula. Asclépios frappa le sol et tua la bête. Un second serpent apparut, tenant dans sa bouche une herbe mystérieuse avec laquelle il rappela à la vie l'autre reptile. Asclépios eut alors la révélation de la vertu médicinale des herbes. Dans ce mythe, le bâton est le symbole du voyageur universel, de l'activité du médecin qui promène à travers le monde sa science secourable. Le serpent, lui, est ici symbole de vie. Il peut changer de peau, et il est censé connaître tous les secrets ainsi que les remèdes, s'insinuant dans les fissures de la terre.

Le parallèle entre la mythologie grecque et l'Ancien Testament aurait plu à frère Henry, lui qui a passé une grande partie de sa vie à soigner des âmes blessées. Psychologue, « médecin des âmes » en quelque sorte, notre frère aimait les symboles. Dans un de ses livres qui rassemble des notes et réflexions, « Le Chant de la Source », il écrivait : « L'imaginaire a son langage. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié, dans la pensée de Karl Gustav Jung, le monde des archétypes, des mythes et des symboles qui nous permet cette évocation et cette traduction, cette expression ». Le symbole du serpent de bronze en est un puissant exemple : le Christ, est la Vie véritable, l'unique Remède. Il est aussi le vrai Médecin, le seul capable de nous guérir de notre péché. Ce qui était malédiction, le serpent comme cause du péché, est devenu bénédiction, source de Vie. Le serpent qui mordait la poussière est relevé, dressé vers le ciel.

Frère Henry a écrit un autre livre, qui s'intitule « Les regards de Jésus ». Le Christ pose son regard sur les pécheurs que nous sommes, et son regard nous sauve. Il ne nous condamne pas, mais il nous relève, comme il le fait pour Zachée, la femme adultère, le publicain. Et si le pécheur le regarde, lui le serpent de bronze, il garde la vie sauve, il est guéri au lieu même de son péché.

Dans le désert de notre existence, quand la vie se fait aride et sèche, tandis que l'homme récrimine contre Dieu, pensant qu'il lui a infligé un châtiment, un serpent est dressé. Il vient du Ciel, envoyé par le Père pour nous guérir. Le Christ devient « Fils de l'Homme », prenant notre condition humaine, charnelle, afin de nous sauver du péché qui nous écarte de Dieu. C'est à ce moment précis que nous prenons conscience de l'amour infini qu'il a pour nous. Il va jusqu'à prendre notre nature et à s'identifier au péché, lui qui est pourtant sans péché. Elevé de terre, le Christ attire à lui tous les hommes, mais aussi toute la création. Il n'aurait pas pu réaliser cette œuvre s'il n'avait pas assumé notre humanité. Nous n'aurions pas pu le regarder, le contempler, s'il n'avait pas pris notre chair.

Frère Henry, te voilà maintenant élevé, enlevé au Ciel avec le Christ qui t'a remonté avec lui. Son regard t'a captivé, son humanité aussi. Tu t'es laissé séduire, hypnotiser par le Christ, le Serpent de bronze. Il t'a attiré à toi, et tu as répondu avec tout ton désir à son appel, à son amour. Tu écrivais ceci : « incompréhension, douleur, désolation, nuit, absence, souffrance… à travers tout cela, le désir cherche. Celui et celle dont la blessure s'appelle « amour », ne saurait guérir. Et c'est cette aventure, et c'est cette blessure qui est aussi chemin de renouvellement et de guérison. Nous ne savons pourquoi. Et sur ce chemin, quelque part, mystérieusement, nous sommes précédés ». Oui, le Christ nous précède, et c'est dans ses blessures, par sa croix que nous obtenons la guérison et le salut. La croix comme symbole de souffrance est devenue glorieuse, l'arbre maudit du péché et de la mort a été transformé en arbre de Vie, donnant son fruit, son remède à toute créature.

Puisses-tu maintenant goûter à ce fruit de la Vie, frère Henry, et partager la communion des Personnes divines de la Sainte Trinité. Et nous aussi, dans l'anticipation de cette Communion, en mémoire du repas sacré, nous allons bientôt manger le pain du Ciel et boire à la coupe du salut. Amen.

Fr. Columba