Un effondrement de ruines

« Mot du Prieur » / Editorial (février 2023)

Un effondrement de ruines

Le pape François a cette formule choc dont il détient le secret, et qui nous fait réfléchir : Dieu pardonne toujours. Les Hommes parfois. Et la nature jamais. Évidemment, il le dit dans le contexte du changement climatique, et de la nature qui semble se venger du mal que l'humanité lui fait en la maltraitant. Pourtant, comment ne pas penser à cette terre qui tremble et se déchaîne en faisant s'écrouler les quelques ruines qui restaient de la Syrie, ce pays martyrisé dont les habitants sont déjà à genoux ? Ruines immatérielles d'un état déjà entièrement corrompu au sommet, dévasté par des années de guerre ; ruines matérielles, également, d'un patrimoine religieux des premiers siècles qui s'effondre sous nos yeux. Que va-t-il subsister ? Est-ce que la résurrection passe par cet achèvement, cette complète mise à nue ? De son côté, la  Turquie, elle aussi soumise au joug de la dictature, a vu disparaître pratiquement toute l'antique cité d'Antioche qui a vu naître les premiers chrétiens. On a l'impression que cette terre du Moyen-Orient semble se venger du sang qui coule continuellement sur elle, et de toutes les injustices qui y sont perpétrées.
Les séismes ont toujours existé, et ils ont toujours interrogé. Pourquoi cela arrive-t-il à des innocents, et à une part de l'humanité déjà si meurtrie ? Au temps de Jésus, celui-ci posait la question suivante, à propos des dix-huit personnes qui avaient péri lors de l'effondrement de la tour de Siloë : Pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière (Lc 13,4-5). Il nous dit que cette catastrophe est un signe qui doit nous faire réfléchir sur notre façon de vivre. L'effondrement intérieur nous guette si nous ne nous ressaisissons pas immédiatement. Il faut espérer que cette catastrophe provoque un sursaut de conscience collective et de solidarité pour tous ceux qui souffrent.

On peut se réjouir que les pays du monde accourent au chevet de la Turquie et de la Syrie, comme on vient auprès d'une mère mourante, qu'on n'a pas assez visité. Le Moyen-Orient, cette région qui nous a portés et nourris spirituellement ; Jérusalem, « ville où tout ensemble ne fait qu'un, et vers qui tout converge ». Elle crie pour que ses enfants ne l'oublient pas. Comme le peuple élu en exil, il nous faut crier avec elle vers Dieu : Rappelle-toi cette église acquise par toi jadis, rachetée par toi pour être ton bien de famille ; rappelle-toi ce mont Sion (Jérusalem) où tu l'as fixée, dirige tes pas vers ces ruines sans espoir. Tout a été saccagé, par l'ennemi dans le sanctuaire… (Ps 73,2-3).