Coup de chaud sur le sacré

La planète a encore eu chaud cet été, et notre pays aussi. Le Canada a subi la violence des incendies, et des milliers d'hectares de forêts ont été décimés, rendant l'air irrespirable. La France, même si elle a aussi souffert de quelques incendies, a été confrontée à un autre type d'embrasement. Le feu de la violence, créé à partir de l'étincelle de la mort d'un jeune, s'est propagé partout, jusque dans les villages les plus paisibles, saccageant des mairies et des bâtiments publics sur tout le territoire. Comme des bûcherons brandissant la cognée, en pleine forêt, de la hache et du marteau, il brisent les boiseries toutes à la fois. Ils ont livré aux flammes ton sanctuaire (…) Ils se disaient : « Détruisons-les tous d'un seul coup ! Brûlons tous les lieux sacrés du pays ! » (Ps 73).

En ces temps troublés, aucun lieu ne semble échapper à la folie nihiliste. Nous avons franchi un seuil dans la transgression de « l'espace sacré » qu'est la culture humaniste. Des écoles et des lieux associatifs, au service du bien commun, sont touchés par la violence gratuite. Des pompiers et des soignants sont agressés, sans que cela provoque un scandale. On s'offusque plutôt de voir l'État emmener en garde à vue ces pauvres enfants turbulents. A l'heure où la fessée n'est plus permise, il s'agit d'exercer l'autorité autrement, en fixant des limites claires. Sinon, il est bien possible que la rue et les réseaux sociaux restent encore pendant longtemps le terrain de jeu de la violence. 

Pour les peuples autochtones, la forêt est sacrée. Sa perte est irréparable. On pourrait en dire de même de la culture humaine. Quand celle-ci est incendiée, saccagée, c'est le signe que l'animalité débridée a repris le dessus. Si nous ne voulons pas que la violence règne en maître, il faut lui résister par la douceur, en brisant le cycle infernal et mimétique de la Loi du talion et sa logique bien connue : œil pour œil, dent pour dent. Jésus, lui, fait place au pardon. Un pardon qui n'est pas démission, mais qui traverse la violence et la haine afin de l'anéantir. En « tuant la haine », le Christ fait sortir l'humanité de la folie dans laquelle elle risque de s'enfermer. Tel un pédagogue, il lui apporte la sagesse et la raison, pour qu'elle grandisse enfin vers l'âge adulte. Ce travail est toujours à refaire. Chaque génération a besoin de prendre conscience de ses limites, en découvrant elle aussi la transcendance du sacré.