Frères et sœurs, une des questions les plus importantes et les plus profondes que nous nous posons durant notre vie est la question du sens de notre vie. Quelle est sens de ma vie ? Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ? Est-ce qu’elle a une valeur ? Est-ce que cela vaut la peine de vivre ? Regardons comment répondent à cette question les personnages des trois lectures de notre liturgie.
Le sens c’est tout d’abord une direction, une orientation de la vie. C’est ce qui me pousse à me lever chaque matin, le moteur qui me fait vivre, qui donne une dynamique à ma vie. Pour Abraham et Syméon ce moteur c’était leur foi en Dieu qui accomplit ses promesses. Cette foi a été très exigeante surtout pour Abraham et sa femme Sara : ils espéraient un fils, un héritier promis par Dieu, mais la réalisation de la promesse a beaucoup tardé, jusqu’à leur vieillesse. Au niveau tout humain, on peut dire qu’ils passaient par une nuit de la foi, par un non-sens. Et pourtant, ils gardaient une espérance, un désir qui les faisait vivre.
Pour Abraham et Sara la question du sens est aussi liée à celle de la fécondité. Ils voient le sens de leur vie dans leur paternité, dans le fait d’être parents, de transmettre la vie, d’avoir un sentiment que ce qu’ils ont bâti toute leur vie ne se perdra pas, mais va servir à leur descendance. Peut-être que plusieurs d’entre nous, nous vivons quelque chose de semblable, avec des joies et des peines qu’implique l’éducation, la transmission de ce que nous avons de meilleur. C’est la réalité de la famille telle que nous la connaissons.
Mais le fait de donner sa vie aux autres, ce qui existe dans la plupart des familles, ce fait concerne aussi des personnes qui n’ont pas d’enfants et celles qui sont célibataires (d’ailleurs dans notre assemblée nous sommes assez nombreux). La fécondité est plus large que la fertilité biologique. Dans son entretien avec un journaliste français le pape François insiste sur la paternité et la maternité spirituelle pour des personnes consacrées, pour des prêtres, mais aussi pour les célibataires qui ont choisi cette forme de vie. Il y a une fécondité spirituelle quand nous nous donnons aux autres, par notre travail, notre créativité (artistique, littéraire, artisanale), par la transmission de nos savoirs, de nos valeurs, par l’écoute, par les soins accordés aux malades, par des amitiés. En parlant de notre vie, le philosophe Paul Ricœur dit : « Nous survenons, en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution ».
Chercher un sens à sa vie, c’est donc d’abord chercher une direction, puis chercher une contribution de notre vie dans ce monde, un apport dans la « conversation » qui est déjà là. Mais pour nous, les chrétiens, le sens est aussi une Personne ; c’est Quelqu’un. Dans le prologue de l’évangile de S. Jean nous lisons : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn 1,1) Le mot « Verbe », logos en grec, peut être traduit par « sens » : « Au commencement était le Sens, et le Sens était auprès de Dieu, et le Sens était Dieu ».
L’évangile d’aujourd’hui nous présente Jésus comme le Sens de la vie de Marie et de Joseph, de leur famille, de leurs choix, de leur foi, de leur fidélité. Mais il devient aussi le Sens de la vie, de la prière, de l’engagement, de l’attente de Syméon et de la prophétesse Anne. La rencontre avec Jésus est pour eux une expérience intime, un mystère. Dans cette rencontre, ils vivent une sorte d’accomplissement de leur vie. Vivre cette expérience, c’est vivre le salut, car être sauvé, c’est atteindre ce pour quoi on est fait, l’accomplissement de notre destiné. Syméon et Anne reçoivent ce don gratuit, ce « Dieu qui sauve », Yeshouah, Jésus, et ils l’accueillent.
Frères et sœurs, ce qui donne un sens à la vie des personnages de nos trois lectures d’aujourd’hui, c’est la foi en Dieu, c’est le don de soi, c’est enfin Quelqu’un, Jésus qui est accomplissement de leur vie.
En cette fin de l’année 2017 et au seuil de la nouvelle, nous pouvons nous souhaiter que nos familles (biologiques, spirituelles, adoptives, etc.) soient porteuses d’un sens, du Sens qui sauve, c’est-à-dire, qui nous mène vers un accomplissement, vers la plénitude de notre vie, de notre humanité. Amen.
fr. Maximilien