Le texte de Job, en première lecture, souligne la brièveté de la vie et ses difficultés qui, parfois peuvent être écrasantes et nous faire douter de Dieu. Le texte de St Paul, en deuxième lecture, parle de l'annonce, l'annonce de l'évangile qui s'impose à lui comme une nécessité absolue et pour laquelle il sait se faire tout à tous, et n'attend aucune récompense, aucun avantage matériel. Dans la vie qui est la sienne une seule urgence : cette annonce de l'évangile pour sauver à tout prix quelques-uns , et bénéficier ainsi lui-même du salut. L'évangile nous montre Jésus, dont la mission est de proclamer la Bonne Nouvelle, assailli par les foules, guérir toutes sortes de malades et chasser les esprits mauvais. Cette dernière expression revient deux fois et la première guérison mentionnée précisément, la seule dans ce passage, est celle de la belle-mère de Pierre.
Aux démons qu'il chasse, Jésus ordonne de se taire, les empêche de parler parce qu'ils savaient qui il était. Dans l'évangile de Dimanche dernier qui précède immédiatement celui d'aujourd'hui, le premier à réagir à la première prédication de Jésus dans la synagogue, est un possédé, qui dit savoir qui est Jésus et que Jésus fait taire également. Le premier obstacle que rencontre l'annonce de la bonne nouvelle, est l'esprit mauvais. Cet esprit qui crie parce qu'il sait qui est Jésus et se sent menacé par lui. Savoir qui est Jésus n'est le signe ni de la sainteté, ni celui du salut. Jésus n'est réductible ni à la connaissance qu'on peut en avoir, ni à ce qu'en pensent tous ceux qui sont autour de lui : allons ailleurs dit Jésus à Pierre. Jésus est autre ; Jésus est au-delà de tout ce qu'on peut percevoir de Lui. Jésus a conscience d'être venu dans le monde pour mettre et libérer dans le cœur de l'homme une image plus vraie de Dieu. La vérité de Dieu que Job finira par comprendre est justement qu'Il n'est ni réductible à ses souffrances, ni menacée par ses malheurs ; la vérité de Dieu est dans l'accueil silencieux et confiant de ce que l'on ne comprend pas; elle est dans cette remise en cause personnelle devant ce que l'on perçoit de Dieu, remise en cause que l'esprit mauvais ne sait, ne veut et ne peut pas faire et c'est pourquoi Jésus ne perd pas son temps à parler avec lui et le fait taire.
Le premier et le seul miracle qui nous est rapporté ici est la guérison de la belle-mère de Pierre, un peu comme si c'était, ce miracle, qui commandait tous les autres, qui ouvrait la porte à tous les autres. Remise debout, libérée de sa fièvre, elle les servait. Bien qu'il y ait des belles-mères admirables et merveilleuses, la notion de « belle-mère », comme celle de « marâtre » est entachée d'un aspect négatif. On le sait et l'expérience est là pour le dire, la belle-mère peut être source dans les familles de tensions, de souffrances, voire de disputes ou de séparation. Ces conflits font partie de ces choses qui dans les familles, ces berceaux de l'amour, blessent d'autant plus profondément qu'elles ne devraient pas exister. L'origine de ces évènements, d'autant plus douloureux, que, quelque fois on n'ose pas même en parler, est quand un membre de la famille se sert au lieu de servir, pense plus à lui qu'aux autres. Cette fièvre – je ne veux pas dire que c'était celle de la belle-mère de Pierre - ce mauvais esprit du quant à soi, ce souci de soi qui rendent insensible aux autres, on le sait, on l'expérimente, dans les familles, dans les communautés, dans les équipes gâtent les relations, rendent pesant et difficile le climat familial ou fraternel, font taire la parole, gangrènent le bonheur, quand ils ne blessent pas irrémédiablement. Le premier miracle de Jésus, qui survient avant toutes les autres guérisons, pointe le doigt sur ce que toute sa prédication va orchestrer, sur ce dont toute sa vie est un exemple éclatant, ce sans quoi le bonheur n'est pas possible : le service par amour, l'amour qui, dans le service, fait passer l'autre avant soi comme il en donnera l'exemple magnifique avec le lavement des pieds. Croyant ou non, l'expérience ne nous montre-t-elle pas que l'oubli de soi pour l'autre, ou simplement faire passer l'autre avant soi, fait bouger quelque chose de et dans notre cœur, change notre regard, apaise comme par miracle ce qui nous fait souffrir. C'est ce que fait en nous la grâce de Dieu, cette grâce dont l'oraison nous fait dire qu'elle est notre unique espoir, car l'unique remède à tout ce qui nous fait souffrir.
P. Thierry
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE